La mort, la rhétorique et la souveraineté
On meurt : anonyme est celui qui meurt, et l’anonymat est l’aspect sous lequel l’insaisissable, le non-limité, le non-situé s’affirme le plus dangereusement auprès de nous. Quiconque en fait l’expérience, fait l’épreuve d’une puissance anonyme, impersonnelle, celle d’un événement qui, étant la dissolution de tout événement, n’est pas seulement maintenant, mais son commencement est déjà recommencement, et sous son horizon tout ce qui arrive revient.
« Si on veut ramener la littérature au mouvement qui en rend saisissables toutes les ambiguïtés, il est là : la littérature, comme la parole commune, commence avec la fin qui seule permet de comprendre. Pour parler, nous devons voir la mort, la voir derrière nous. Quand nous parlons, nous nous appuyons à un tombeau, et ce vide du tombeau est ce qui fait la vérité du langage, mais en même temps le vide est réalité et la mort se fait être. »
Poursuivant la réflexion initiée l’année précédente sur « l’effet Blanchot », nous partirons de l’hypothèse suivante : l’œuvre de Maurice Blanchot est l’effort continu pour nommer la confrontation de l’écriture et de la mort.
Que vient nommer ici le mot « mort » ? Le décès ? La « pulsion de mort » ?
La mort a non seulement plus d’un nom, mais elle est l’au-delà du nom, elle est ce qui, du nom, ne s’écrit pas.
La mort a également plus d’un lieu, elle est l’au-delà du lieu, ce qui, du lieu, ne peut s’écrire.
Pour ces raisons, nous pourrons tenter de situer son effet à partir de deux énoncés :
− la mort hante la rhétorique.
− la mort déjoue la souveraineté.
Ils nous serviront de guides dans notre lecture des textes de Blanchot.
1- Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, pp. 327-328
2- Maurice Blanchot, La littérature et le droit à la mort, in De Kafka à Kafka », Paris, Gallimard, 1981, p. 51.