Antigone est la tragédie de la révolte et de l’obéissance – l’une des plus poignantes jamais écrites depuis Sophocle. Non sans raison, Lacan se penche sur elle au terme de son séminaire de 1959-1960, livre VII, l’Éthique de la psychanalyse.
Parler d’Antigone et de Créon me tient à cœur. Je fouillerai et expliciterai l’opposition, trop banalisée par les palabres bureaucratiques, entre lois écrites et lois non-écrites, les « naturelles », les inconscientes – lois jamais absentes en chaque cure, et qui se manifestent soit en acte, pensée et parole, selon les complexités de la censure endogène.
Un mot d’Einstein sera le levier de ce séminaire : « Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l’Etat te le demande ». Une question, et ses réponses, guidera la lecture partagée de cette tragédie et de l’interprétation qui l’accompagne.
Que nous dit Antigone ? En quoi sa parole et ses actes sont-ils l’expression de sa condition, mais en arrière-plan aussi de la nôtre. Justement, qu’aurions-nous à dire à cette jeune fille, née d’un amour incestueux, si nous la recevions et l’écoutions, telle une patiente venue nous solliciter pour voir clair en elle.
C’est le questionnement qui sollicite notre esprit au seuil du connu et de l’inconnu, à valeur universelle, présents dans cette œuvre – attendu que la tragédie est à la racine de notre expérience
Confronté à la parole que Sophocle nous lègue et au sens du récit qu’il met en scène, une tâche est essentielle. Nous devons interroger les limites de notre propre savoir, dès lors que comme Œdipe à Colone nous savons d’expérience ce que veut dire devenir homme à partir du désêtre.
Une éthique, au sens où l’inconscient est éthique, veillera sur les développements de ce séminaire. Celle-ci convoquera en tous points névralgiques, habités par la fureur et l’héroïsme du drame, l’exigence d’un amour de la vérité.
Depuis le seuil de notre psyché, depuis le bord libidinal et mortel de notre être, au cœur du débat passionnel soulevé par Antigone, nous nous demanderons : sommes-nous de quelque indulgence envers Créon à la faveur d’une politique fascisante ?
Ou bien, suivant une voie qui s’élève plus haut que l’injustice royale, sommes-nous capables d’admettre et partager la vérité d’Antigone, qui oppose tendresse et amour à la reine des épouvantes ? – Rebelle, la jeune fille défie dans le silence des sages la misère affective de celui qui, malgré sa couronne, ne vaut pas l’ombre d’une fumée.
Notre interrogation est l’interrogation qui, entre autres considérations, fait écho à deux déclarations sans cesse présentent au sein du débat qui oppose les lois écrites des politiques, juges et consorts, aux lois non-écrites des dieux, les désirs, nos vrais maîtres.
L’une d’Antigone est : « Je ne suis pas née pour partager la haine, je suis née pour m’associer à l’amour ». L’autre de Créon est : « Descends donc sous terre aimer les morts. Moi vivant, une femme ne fera pas la loi dans la Cité ».
« O Hadès, Hadès, dieu sans autel encore une fois tu me tues ! » Ainsi s’exclame Créon, à son tour terrassé par la douleur du suicide de son fils et de son épouse. Proie du désespoir le plus noir, dans le palais royal où meurtriers et victimes versent le même sang, il s’écrie : « Quelle est la parole que je ne comprends pas ? »
Au-delà de cet aveu, et partant de lui, ce séminaire ambitionnera d’analyser, entre autres choses, la parole despotique, dite incompréhensible qui, telle celle d’un Créon, est inféodée aux lois manifestes, malgré les failles de l’ambivalence et les revendications des lois latentes, les inconscientes, qui travaillent par en dessous tout un chacun.
Le séminaire aura lieu les mercredis à 20 heures au
40, rue de Genève
1225 Chêne-Bourg/Genève
Tél. 0041 22 349 19 66
Mail : Cifali bluewin.ch
2018
Le 17 octobre, 7 novembre, 21 novembre, 5 décembre, 19 décembre
2019
Le 16 janvier, 20 février, le 13 mars, le 27 mars, 10 avril
Le 8 mai : repas du séminaire