Sara Guindani et Marc Goldschmit • Spectres de la Littérature (Littérature et métaphysique IV) • ENS Rue d’Ulm, Paris

Document du samedi 1er septembre 2012
Article mis à jour le 27 février 2015
par  Marc Goldschmit , Sara Guindani-Riquier , wm

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Psychanalyse / Littérature

De 18h à 20h, les vendredis 8 février 2013, 22 février 2013, 29 mars 2013, 5 avril 2013, 19 avril 2013, 24 mai 2013, 31 mai 2013.
Salles : …

— 1re séance (8 février 2013) : Marc Goldschmit, Kafka, la faim de l’écriture et l’animalittérature.
— 2e séance (22 février) : Richard Anker, Henry James, le principe spectral de la représentation.
— 3e séance (29 mars) : Anne Simon, Le romanesque, spectre de la philosophie (Proust).
— 4e séance (5 avril) : André Hirt, La poésie après la fin du monde.
— 5e séance (19 avril) : Marc Goldschmit, Ulysse au cœur des ténèbres (Joyce, Conrad).
— 6e séance (24 mai) : Laure Becdelièvre, Dans le miroir des Heures.
— 7e séance (31 mai) : Sara Guindani, Proust spectrographe.

Spectres de la littérature, cela doit d’abord s’entendre au pluriel. Les spectres sont ce qui, dans la littérature, revient hanter et déstabiliser, inquiéter ou affoler ses autres (droit, philosophie, histoire, science : mathésis et institutions en général). Mais les spectres c’est aussi la pseudo-littérature, le journalisme littéraire, l’industrie du livre, les bavardages et les mondanités autour des livres, la mauvaise part de la littérature. Les spectres enfin sont ce qui se révèle à l’analyse spectrale de la peinture, de la photographie, du cinéma, du rythme, du travail du rêve, de l’inconscient ; ils sont la passibilité de la littérature à se laisser altérer, hanter, troubler par l’autre, pour y trouver en quelque sorte sa vérité la plus intime.

Le mot de spectre, par sa proximité étymologique avec le verbe latin spectare, fait signe vers la compulsion du passé à devenir visible, à se donner en spectacle. Et les revenants qui peuplent les pages de la littérature viennent troubler les vivants qui sont altérés par ces apparitions. L’écriture, en tant qu’acte de remémoration est littéralement une spectrographie, le lieu privilégié de l’apparition du temps passé, mais aussi de l’actuel et de l’avenir. En tant que spectrographie, elle trouve dans les techniques de « capture » — du son, de l’image, de l’image-mouvement — des alliées précieuses : la photographie, la cinématographie, le gramophone — où le graphein et le gramma font revenir les spectres.

Chaque texte peut alors être appréhendé comme la manière singulière de rendre visible ce retour des temps. Répétition, création, variation, transformation, deuil, mélancolie, sublimation, profanation, autant de régimes de la donation et de la remémoration du passé, du présent et de l’avenir par l’écriture. Loin de se borner à doubler les jours vécus par les souvenirs, la littérature joue un rôle actif et créatif dans cette singulière réinvention du temps.

Il importe aujourd’hui de faire revenir les spectres pour que, de nouveau, quelque chose arrive à la littérature et par elle. Faire revenir les spectres pour rendre sensible l’affinité générale de la littérature et de la démocratie, et leurs points communs : le droit de tout dire, l’inadéquation à soi et à son concept, et l’existence critique à venir. Au-delà des spectres, l’enjeu est d’ouvrir, dans la littérature, un avenir anesthétique à l’art, d’esquisser la figure sans figure du Monde, et d’inventer une nouvelle liberté de la vie.